J'avais encore les moustaches en 83 ?
Fin novembre 71, je viens juste d'avoir vingt ans (et on n'a pas tous les jours vingt ans, j'en sais quelque chose ! ). En cette semaine de pré-Cévennes, je n'use pas beaucoup les bancs de la Fac de Lettres de Montpellier. Les copains, au parfum, me prennent les cours et moi, je prends... la direction des spéciales dans ma R 10. Objectif : voir les équipages qui reconnaissent. Je suis dans une épingle de St Julien de la Nef et j'ai déjà à mon tableau de chasse Darniche, Barailler, Marie-Claude Beaumont et quelques autres lorsque j'assiste à un spectacle surprenant. Un gars dans une Kadett 1900 roule à toute petite vitesse, un cahier posé sur le volant, et il y écrit !
Je reste encore une heure à mon poste puis file au Vigan toujours avec la même idée, voir des pilotes. La Kadett grise est à une station en train de refaire de l'essence. Je prends mon courage à deux mains :
" Bonjour, je vous ai vu passer tout à l'heure dans St Julien. Vous reconnaissez tout seul ?
- Mon coéquipier ne peut se libérer que pour la course et je me débrouille comme je peux, d'autant plus que c'est la première fois que je cours ici.
- Ça ne doit pas être commode, non ?
- Vous l'avez dit, surtout que ça tourne dans ces spéciales !
- Ecoutez, je n'ai jamais pris de notes de ma vie, mais si ça peut vous dépanner, je suis libre jusqu'au Critérium.
- Alors là, c'est Noël avant l'heure ! Si ça ne vous dérange pas, moi ça me sera d'un grand secours !"
Il me briefe rapidement sur les codes qu'il utilise et me voilà dix minutes plus tard dans l'auto de course munie d'un arceau... trois points : en ces temps héroïques, les amateurs venaient par la route, reconnaissaient, faisaient le rallye et remontaient chez eux par la route (enfin, si l'auto pouvait encore rouler ! )
L'après-midi se passe bien, "mon" pilote est satisfait de mes services et nous nous donnons rendez-vous pour le lendemain matin huit heures. Il s'appelle Stéphane Tulliez et j'ai déjà vu ce nom dans Echappement, sur des rallyes de la moitié nord. Je vais passer trois jours dans le baquet le siège de série de droite et nous en venons vite au tutoiement. A midi il m'invite (vu mon budget d'étudiant ) dans les restaus où se retrouvent les équipages : je mange avec Sialelli, Simonetti, d'autres encore et le roi n'est pas mon cousin. Le samedi, son navigo est arrivé, mais je vais bien sûr passer les vérifs avec eux et ils me présentent d'autres potes pilotes. En course, je le vois passer une fois, mais il abandonnera et je ne vais plus jamais le revoir.
Mine de rien, moi qui vais voir les épreuves en Mob' depuis mes quinze ans -et je n'en rate pas beaucoup- j'ai poussé du pied et entrouvert la porte de la compétition. Je vais y être aspiré et elle marquera ma vie : commissaire de route, mécano d'assistance, copilote, pilote, membre du comité directeur de l'ASA Hérault quand nous essayions (et y sommes parvenus) de faire remonter le Critérium en première division, journaleux à Echappement, Auto Hebdo, Rallyes Mag, ouvreur d'Alain Oreille sur un Monte Carlo, j'ai à peu près tout fait. J'y ai consacré un temps considérable, mais aujourd'hui, devenu papi, j'ai dans un coin de ma tête un placard rempli de souvenirs inoubliables !
Edit : dans ma famille, l'auto ne servait qu'à aller au boulot, faire les courses et une petite balade le week-end. On ne peut pas dire que ma passion a été engendrée par le milieu familial ! Lorsque, marié, majeur et vacciné, j'ai commencé à courir (en coéquipier) je me suis abstenu de le dire à ma mère. Comme mes deux premiers rallyes, avec deux pilotes différents, se sont soldés par deux bons cachous et que je me suis dit que sur cette lancée, ça allait se finir un de ces quatre à l'hosto, je lui ai dévoilé mes coupables activités du week-end. Après, j'ai pris le volant, elle n'a pas essayé de me dissuader, mais dès que je finissais un rallye, je cherchais une cabine téléphonique pour lui annoncer que la prunelle de ses yeux était toujours vivante ! En ces temps d'avant l'I-Phone, elle montait la garde le dimanche après-midi auprès de son téléphone.
L'ami Albi vient de poster dans le sujet "Rallye du Fenouillèdes" ce papier (écrit par Mézigue) sur le Fenouillèdes 83. Vous retrouverez dans l'extrait René Venier, le Chris Meeke de l'ASA Hérault, le pote Néné dont j'ai parlé hier : apparemment, là, il avait fait "le complet, barbe et cheveux" !
Je n'en avais pas rajouté hier, hein ?
Le 05/11/2018 à 21:35, Mako a dit :C'était en 1973...
C'était le Bas Vivarais ancetre de l'Ardeche. Depart 20h arrivée 8h donc entierement de nuit car les speciales étaient sur route ouverte. Les chronometreurs à l'arrivée deconseillant aux usagers d'emprunter le secteur à l'envers. 10 speciales entre 5 et 18 km chacunes !
Des spéciales sur une route ouverte en Ardèche!!! Nom de Zeus! C'était une autre époque... 45 ans plus tard on ne peut plus dépasser le 80 km/h sur les nationales même quand il s'agit de grandes lignes droites, dans ces conditions on utilise même pas 15% du potentiel de nos autos, en utilisant même pas 60% on est déjà considéré comme un grand délinquant de la route! Mais bon c'est normal hein!
Dans la derniere ES , le col de la croix de Millet , j'avais croisé le camion du laitier ! C'etait dans un petit bout droit , heureusement, parce que le jour venait de se lever et on ne pouvait plus se fier à la lueur des phares en sens inverse !
Puisque l'on parle de l'ancien temps....
Si vous regardez dans les annales (tels les proctologues), vous verrez que le mois de mars 1971 est encore, dans le sud-est, le plus froid à ce jour. En mars 1971 j'allais sur mes 18 ans et plus important sur le "Stuttgart-Solitude-Lyon-Charbonnieres". Je faisais partie de l'assistance commune du club, l'ASACA , qui deviendra ASA Ardeche. Il y avait 7 équipages engagés et un froid !!! La semaine precedente l'A7 avait étée bloquée par la neige et il y avait eu des morts dans les voitures.
Nous etions partis en soiree direction Chambery pour une assistance vers 7h du matin le lendemain. Nous, c'étaient Max Durand (garagiste preparateur) au volant, Daniel Veyrenc (eaux minerales Reine des Basaltes) à la navigation et mézigue, coincé dans les pneus.
23h vers Veurey le break ID 20, convenablement clouté, se met à chauffer ! Dehors il fait - 25 ! Max arrete la citron, c'est la courroie, on fait encore quelques km car Daniel (habitué du trajet Grenoble-Aubenas) nous dit qu'il y a une casse pas loin. Et effectivement nous voila lancés dans une partie de mécanique Sibérienne sur le coup de minuit !
Je n'ai plus jamais vu un tel etat des routes ! Sur la neige et la glace 100% du parcours, meme dans Grenoble. Nous arrivons au point prevu à 6h du mat. Il fait -35 au pied du Granier , Daniel a apporté une caisse de son eau minerale, et bien, chauffage à fond, les bouteilles ont gelées en route ! 3/4 h plus tard les premieres Alpines 1800 arrivent, pot piste Devil, cloutage maxi pyramidaux, une féerie !!! Nos équipages arrivent enfin eux aussi , de maniere irreguliere, mais ils sont tous au rendez vous. Chacun ses soucis, ses histoires, ses exploits, ses galères . En fait de galère ceux qui tiennent le pompon ce sont deux des notres sur une vaillante mini cooper et qui viennent de se mettre sur le toit dans la precedente ES, le Revard. La voiture va pas trop mal si ce n'est qu'il n'y a plus de pare brise ! Par - 35 ils sont emitouflés et ont du casser la vitre arriere pour diminuer les turbulences glacées en roulant.
Ca parle d'abandonner, quand au CH on apprend qu'a cause d'une sortie dans la Charteuse il y un arret de course. L'idée vient de qui ? Je ne m'en souvient plus, mais le truc c'est qu'on part immediatement sur Grenoble trouver un pare-brise gonflable (c'est la mode) pour la mini, puis on remontera sur l'arrivée au Sappey pour le leur installer. On se dit que si l'interuption est assez longue ca devrait le faire. On se dit au revoir et on leur souhaite bon courage . Il va leur en falloir ! 44km avec 3 cols et -42 d'annoncés en haut du Cucheron.
On fait comme on a dit. Notre rallye à nous aussi 100% enneigé , mais l'ID 20 ca va bien sur la glisse. Entre Chambery et Grenoble pas d'autoroute (il est bloqué) mais 100 de moyenne quand meme ! On trouve le pare brise et on est au rendez vous. Les voitures qui pointaient une dizaine de minutes avant eux arrivent, c'est tout bon ! On attend, on espere, mais ils ne sont pas au rendez vous . 4 voitures les ont doublés mais d'aprés elles, ils roulent. Finalement les voila ! Quel spectacle ! Ils sont couverts de glace et de givre ! officiels et gendarmes s'affairent autour d'eux . Ils ne peuvent plus parler, le pilote ne peut meme plus passer les vitesses, il faut les aider à sortir de la mini . C'est l'abandon ! Mais si il a fallu les aider à descendre de l'auto, il faut aussi que gendarmes et secouristes les aident à tenir debout ! La raison, ce n'est pas le froid, non, c'est une bouteille d'un litre de schnaps, que leur a remi un équipage Allemand et qui git coinçée contre le frein à main. Au cours des 44 km, les deux comperes l'on sifflée, et ca avait l'air du local, au degré improbable.
Ils nous ont quitté en ambulance et ont fait un petit sejour, eux à l'hopital de Grenoble, et la mini chez le concessionaire .
Voila, ce n'étaient pas les rallies-sprint d'aujourd'hui, c'étaient d'autres épreuves, d'autres aventures, mais je crois que ce sont toujours le meme genre de bonhommes que l'on retrouve dans les bacquets...
Belle conclusion
Quand j'étais coureur, la la la la ! j'avais un ouvreur, la la la la !
Il est décedé la meme semaine que Michel Delpech, et se prenommait Jean Jacques. Mais unanimement connu et reconnu dans le petit monde du Rallye Ardechois en tant que " tambon-tautiton". C'était un bon pilote, un trés bon navigateur et un excellent ouvreur. Ses notes corrigées au Mte Carlo c'était comme un film qui se deroulait devant mes yeux, les plaques de glaces ou de sable étaient décrites sobrement non seulement à moins de 5 metres prés, mais selon la trajectoire que la voiture devait alors emprunter. Le nombre de courbes que j'ai passé soudé en dehors de la trajectoire "naturelle" , que beaucoup d' autres suivaient en se mettant droits sur les freins à l'entrée du virage ! Je suivais ses commentaires aveuglement, ceux des autres ouvreurs, beaucoup moins .
Il participait à mes scéances d'essai qui en raison de nos activités professionnelles se déroulaient la nuit tombée. Ainsi à la fin de l'une d'elle, moral au beau fixe et plein d'espoirs pour l'epreuve à venir, je dis à tout le groupe : " allez, on va chez Kaki, j'offre la pizza" . Le Kaki en question était un arménien bon teint, qui donc, d'une part, tenait une pizzeria dans un quartier d'Aubenas et d'autre part était affublé d'un défaut de langue que l'on pourrait qualifier d'historique ! Il ne pouvait dire les "je" , les "che", les "seu" . Tout cela sortait de ses levres en "te" .
Nous arrivons donc chez lui à une dizaine sur le coup de 22h . Le brave homme avait éteint le four et s'appretait à fermer. C'est certain que notre arrivée le contrariait au plus haut point. Mais il avait un caractere bien moins fort que le defaut de langue. Et à dix contre un ....! Ca a donné å peu prés ça :
- t'ai éteint mon four, te peux pas vous faire manzer !
- mais kaki, les pizze on s'en fout, fais nous des steaks, des grillades, n'importe quoi !
-te voudrais bien mais te peux pas vous faire manzer, t'ai plus de pain !
- kaki , fais pas chier, ressert une tournée et fais nous bouffer , merde !
- Pas question ! tez moi on manze pas tans pain !
- Enfin kaki, on créve la dalle !
Et tout le monde de rencherir et de lui mettre la pression . Alors n'y tenant plus mais vaincu par son grand coeur notre Kaki s'écria :
- Te peux pas vous faire manzer parce que te vous dit que t’ai plus de pain, mais ti vous voulez, te vous fait des tandouites au tambon ou des tandouites au tautiton !
Inutile de vous dire que l'on a trés bien mangé ce soir là chez Kaki et que l'on est repartis vers 1h du mat. Et Jean Jacques de tout le groupe, n'avait pas son pareil pour raconter cette histoire, c'était d'un niveau Coluchien ! Alors à chaque rallye, que ce soit en concurrent ou en spectateur, nous lui demandions chaque fois l'histoire. Jean Jacques a ainsi hérité du surnom.
Quand il est parti, beaucoup trop jeune, j'ai pleuré Jean Jacques, mais aujourd'hui, c'est "tambon-tautiton" qui me manque....
Vieilles anecdotes ?
1
En 1902, Louis Renault gagne la course Paris Vienne avec la Type K devant toutes les grandes écuries Un fait marquant, que le musée Mercedes à Stuttgart rappelle avec humour, en expliquant que la voiture à l'étoile qui était engagée sur Paris -Vienne "aurait dû gagner ", si elle n'avait pas été devancée par la Type K.
2
A cette occasion, la voiture de Louis Renault avait réalisé une performance exceptionnelle, pulvérisant les temps envisagés par les organisateurs. De ce fait, rien n'était prêt pour l'accueillir lorsqu'elle est entrée dans Vienne et les officiels ont donc demandé à la voiture et à son pilote de repartir rouler dans la ville pour préparer la ligne d'arrivée.
J'ai fait un rallye avec Alain Oreille. Plus exactement, j'ai été sur une liste d'engagés copilote d'Alain Oreille !
En 78, Sylvie me dit : "Si ça t'intéresse de faire un rallye avec Alain, je te laisse ma place pour la Durance : je l'ai courue plusieurs fois, et puis je vois que ça te plairait de monter avec lui." Je ne me le fais pas dire deux fois, sachant que les occasions de ce genre sont rares ! Ce sera un week-end galère !
En descendant l'auto de la remorque, il reste deux-cents mètres pour aller aux vérifs : le moteur casse sans sommations ! Une bielle à travers le bloc à 3000 tours, un boulon a cédé ! Mais Alain n'est pas du genre à se laisser abattre pour si peu. Il demande aux organisateurs l'autorisation de présenter l'auto le dimanche à sept heures du matin, et c'est accordé. Il a dans son garage assez de pièces pour reconstruire un berlingot et nous remettons la Rallye 2 sur la remorque, direction Martigues. Nous entreprenons le démontage tous les deux, mais une heure après, son inséparable pote Jacky Chantebel -avec qui je ferai trois ou quatre rallyes plus tard cette année-là- vient nous rejoindre avec son coéquipier. Petit détail, l'équipage court le lendemain. Ils n'hésiteront pas à prêter main forte jusqu'à deux heures du mat' !
Vers dix-onze heures du soir, tout est en pièces détachées, les nouvelles pièces prêtes et il faut remonter. Petit rituel annoncé par Jacky : "On tourne les cliquets dans l'autre sens et une pause de cinq minutes, on s'en fume une !" Un peu avant deux heures, le moteur tourne, un petit tour dans le quartier, ça fonctionne normalement et on part se coucher brièvement. Lever à six heures : Alain et moi partons par la route vers la Roque d'Anthéron, histoire de faire un semblant de rodage, nos femmes suivent avec le plateau. Mais dix kilomètres avant les vérifs, cocotte-minute : la culasse n'était bien sûr pas resurfacée et le joint a pété. Et on remet sur la remorque pour aller annoncer notre forfait aux organisateurs : tout ça pour ça !
Rétrospectivement, cet abandon avant le départ a été providentiel. Deux jours plus tard, Alain me téléphone à Montpellier, un peu ému : "En nettoyant les jantes, il m'a semblé apercevoir comme une fêlure : je les ai passées au détecteur de criques. Trois sur quatre étaient fendues. Tu te rends compte, si ça avait cassé dans les bosses rapides entre les pins avant le Col Sainte Anne !"
Le détecteur de criques était du matériel militaire aviation tombé du camion et fourni par Jacky, mécanicien-naviguant sur KC 135, les ravitailleurs en vol : on pulvérisait la pièce avec une première bombe au jet rouge. Après un court séchage, on repulvérisait avec l'autre bombe qui faisait un voile blanc ressemblant à du K2R. Un coup de chiffon et les éventuelles fissures apparaissaient très nettement sous la forme de belles lignes rouges.
Nous n'avons pas eu trop de remords d'avoir fait passer une nuit blanche à Jacky car il a gagné la classe derrière cinq Kadett : Viano, Loubet, Couloumiès, Brezun et Ricciardi.
Une autre avec Jacky, disparu prématurément à cause de cette saloperie de crabe.
En 78, ça n'allait plus trop bien avec son copilote : je suis donc monté à côté de lui, un rapide au calme olympien. Nous avons fait le Languedoc, le Gard, la finale PTS à Clermont-Ferrand et je ne sais plus lequel. L'un des rares à pouvoir causer avec l'Esgourde quand il était dans un bon jour !
En 79, j'ai pris le cerceau et il a trouvé un nouveau copilote : un gars de la base, ancien pilote de chasse reconverti sur KC 135, un dénommé Bertrand C. Baptême du feu à la Durance justement, rallye très rapide, bosselé, avec des trous et des arbres, bref pour gros cœur, et le Jacky n'en manquait pas. De plus, il connaissait comme sa poche. Je ne courais pas mais j'étais bien entendu à l'assistance. Tout type normalement constitué dont c'est le début en rallye aurait dû sortir assez impressionné de ce premier tour de Grand Huit. A la fin de la boucle, je demande à Bertrand ses impressions : "Oui, ça va vite et ça vole bas : assez intéressant !"
Des années plus tard, j'avais perdu ce petit monde de vue et j'étais à l'aéroclub d'Annemasse à boire un verre avec Serge, le moniteur de Marianne, un ancien de la chasse également avec qui j'avais sympathisé, d'autant plus que le gars fourmillait d'anecdotes.
" Par le plus grand des hasards, tu n'aurais pas connu un certain Bertrand C. ?
- Un peu mon neveu ! Je vais t'en raconter une bonne. En ce temps-là, nous nous entraînions à Salon sur des Fouga Magister. Ces vieux machins ne nous passionnaient pas et pour le fun, lui et moi avions pris l'habitude de rentrer le train dès que les roues quittaient le sol, à un ou deux mètres d'altitude. Un jour, il est pris par un rabattant et se tape toute la piste sur le ventre dans une grande gerbe d'étincelles. Pas de bol, son colonel qui attend de décoller sur son Fouga perso le voit passer devant lui comme ça. Il saute de son avion et court vers l'autre, un peu raboté tout de même : "C. ! Vous faites votre paquetage et vous partez demain en opération au Tchad !"
Il y a 3 heures, Zoréol a dit :Ces vieux machins ne nous passionnaient pas et pour le fun, lui et moi avions pris l'habitude de rentrer le train dès que les roues quittaient le sol, à un ou deux mètres d'altitude. Un jour, il est pris par un rabattant et se tape toute la piste sur le ventre dans une grande gerbe d'étincelles. Pas de bol, son colonel qui attend de décoller sur son Fouga perso le voit passer devant lui comme ça. Il saute de son avion et court vers l'autre, un peu raboté tout de même
Fabuleux,ça...
En pensant à Serge, je vais pour une fois déroger à l'esprit de cette rubrique et parler aviation. J'espère que ce long pavé HS (promis, ce sera la seule fois ! ) en intéressera quelques-uns. Pour les autres, un coup de molette et zou, on passe à autre chose !
Lorsque j'ai connu Marianne, elle finissait de passer son brevet avion et devait encore être accompagnée de son moniteur. Je montais toujours à l'arrière du Robin pour admirer la superbe Haute Savoie. En aparté, Serge me disait qu'il était très satisfait de son élève mais dans l'avion, il ne la ménageait pas, toujours avec le sourire, en manifestant un large sens du second degré et la "moucatait" souvent, comme on dit en Créole. Un jour où elle avait légèrement surestimé son altitude et où nous avions franchi un col un peu ric-rac : "Tiens, tourne à droite, on va survoler les Lindarets, tu verras tes copines les chèvres !" Le centre de la piste est matérialisé par une ligne pointillée. Lorsqu'elle se posait un mètre à droite ou à gauche : "Ça t'emmerderait de te poser sur la ligne ?" Quand elle nous faisait un atterrissage un peu brutal : "Tu sais que c'est pas un porte-avions, hein ? Tu as de la marge !" Parfois, on arrivait par vent de travers avec l'avion à 45° de la piste. Il se retournait, me faisait un clin d'œil, puis se cachait les yeux : "Je veux pas voir ça !" Ma douce n'a jamais eu froid au yeux et volait près du relief malgré les turbulences engendrées par le massif du Mont Blanc. Combien de fois avons-nous vu des cordées de près dans les Drus, l'Aiguille Verte ou les Jorasses ! Serge l'encourageait, car il ne voulait pas former des "pilotes de tours de piste". Par exemple, au milieu d'une manœuvre un peu difficile, il lui coupait sans sommation le moteur pour voir comment elle allait réagir ! Bref, un jour, nous montions vers la croix de Sommand , il faisait chaud, l'air portait mal et le petit Robin prenait péniblement de l'altitude. Serge se retourne et me demande :
" Tu as pris une pioche ?
- ?????????????????????
- Non, parce que là où elle va, va falloir qu'on creuse un tunnel devant l'hélice !"
Un samedi matin, nous partons voler comme d'hab' mais Serge me dit en douce : "Non, aujourd'hui, tu ne viens pas, je t'expliquerai". Je rentre au bar de l'aéroclub, les vois faire les vérifs d'usage au sol, volets, ailerons, puis taxiter. Je ne m'occupe plus d'eux et discute avec les gars que je commence à connaître : c'est d'ailleurs un peu l'ambiance que j'ai connue à l'ASA Hérault . Cinq minutes après, je vois arriver mon Serge : "Paie-moi un Perrier, Marianne paiera le Champagne tout à l'heure !" En général, lorsqu'un élève est lâché pour la première fois en solo, il est longuement briefé avant cette étape importante. Mais le loustic est de la vieille école de la chasse : il est monté avec Marianne pour un vol de routine, et juste avant le point fixe, il a ouvert la verrière, a sauté de l'avion et lui a dit : "Maintenant, tu te débrouilles toute seule : tu passes par tel et tel endroit et surtout tu me ramènes le taxi intact ! T'inquiète, je reste en liaison radio permanente avec toi depuis la tour."
Une fois, je discutais avec lui en buvant une bière sur la terrasse de l'aéroclub quand un grand jeune homme vient nous saluer. Lorsqu'il est parti, Serge me dit : "Tu vois, c'est ma plus belle réussite : je lui ai appris à piloter dès qu'il a eu seize ans. Aujourd'hui, il est pilote de l'armée dans la reconnaissance aérienne. C'est le job le plus difficile, davantage que la chasse : ils volent à mille à l'heure au ras du relief sur un terrain qu'il ne connaissent pas et doivent mémoriser l'endroit précis où se trouvent les véhicules, les batteries de missiles et les troupes au sol. Ces gars, c'est l'élite !"
J'avais déjà fait une paire de fois de la voltige dans le Midi, dont une avec Bertrand C. cité plus haut. Mais lorsque Marianne m'a offert pour mon anniv' une séance de voltige, c'est bien entendu avec Serge que je suis parti : comme l'exige la règlementation, il m'a passé un parachute :
"Tu sais, je n'ai jamais sauté en parachute !
- T'inquiète, s'il faut sauter, tu apprendras vite : tu comptes jusqu'à trois, tu tires sur cette poignée. Après, tu te démerdes ! Mais j'ai bien l'intention de ramener l'avion en un seul morceau."
Un jour, nous partons pour la journée au salon du Bourget avec un Saratoga six places. Dans le taxi, il a été convenu que Marianne piloterait à l'aller et un autre néo-breveté au retour, Serge en place de droite. A l'aller derrière, notre chauffeur du retour, sa copine, un pote à moi et Mézigue. Tout se passe bien. Un truc impressionnant, c'est le couloir d'approche du Bourget, parallèle à celui de Roissy : quand on se fait doubler par un 747 tous volets sortis à peine trois kilomètres sur la droite, on se rend compte qu'on est vraiment dans une cacahuète volante !
Au salon, je m'installe dans le cockpit d'un Fouga Magister et Serge, qui connaît un peu "ces vieux machins" m'explique tout :
Le retour se passe moins bien. Nous décollons sous un orage qui cesse vite, mais le ciel de toute la France est très perturbé et le pire est à venir vers Nantua. Nous entrons dans un orage indescriptible trop grand pour être contourné, il tombe des seaux, on ne voit rien, et le Saratoga est secoué comme un prunier. Serge a pris les commandes, mais lui si cool d'habitude est hyper-concentré et je vois bien qu'il sue à grosses gouttes. Il parvient à nous ramener à bon port. A Annemasse, content de retrouver le plancher des vaches, pas trop fier, mais voulant crâner tout de même, je lui dis :
"Je suis un peu déçu, tu ne nous a pas fait la manœuvre du Cobra ! (Nous avons vu dans la journée un as russe exécuter cette célèbre figure sur un Sukhoï)
- Ouais, on n'en était parfois pas loin, mais je l'ai surtout récupéré deux fois au moment où il voulait passer sur le dos. Bien sûr, quand on n'a pas l'habitude, dans la purée de pois, on perd tous les repères et on n'a aucune idée de la position de l'avion !"
Ah, ouais, c'était plus sérieux que je pensais, alors !
Ensuite, nous sommes venus à la Réunion et Marianne a cessé de piloter. Lors de vacances, nous passons voir Serge à Nîmes où il habite désormais. Il en avait marre de faire le moniteur d'avion-école et il a trouvé un job à l'IGN. Il nous raconte la précision extrême des vols photographiques qu'il doit mener et il s'éclate apparemment comme un jeunot dans ses nouvelles fonctions.
Et les belles histoires se terminent mal . Deux ans plus tard, nous sommes chez nous à la Réunion, le téléphone sonne à dix heures du soir, Marianne décroche et éclate en sanglots : "Serge s'est tué ce matin !" Elle ne peut plus parler et me passe le combiné. Moi-même j'ai les jambes qui flageolent et je dois m'asseoir. C'est François, le directeur de l'aéroclub d'Annemasse. Ce n'était plus le boulot de Serge, mais pour rendre service, il a pris sur son samedi matin de congé. Il s'agit de superviser un moniteur qui donne un cours à un élève et Serge est en place arrière. Après quelques touch and go (atterrissages suivis d'une remise de gaz), l'avion s'est présenté une nouvelle fois en approche de Montpellier-Fréjorgues. A un kilomètre du seuil de piste, il a décroché et la vrille s'est terminée dans l'étang : les trois sont morts. Et j'imagine que cette vieille tige de Serge a dû vite comprendre que c'était cuit sans pouvoir rien faire, puisqu'il n'avait pas accès aux commandes !
RIP, Serge !
Bon, c'est promis, la prochaine fois, je recause rallyes.
Belles anecdotes , malgré cette fin tragique
Triste fin mais beau récit en effet
Le 08/11/2018 à 21:46, RP14 a dit :Des spéciales sur une route ouverte en Ardèche!!! Nom de Zeus! C'était une autre époque... 45 ans plus tard on ne peut plus dépasser le 80 km/h sur les nationales même quand il s'agit de grandes lignes droites, dans ces conditions on utilise même pas 15% du potentiel de nos autos, en utilisant même pas 60% on est déjà considéré comme un grand délinquant de la route! Mais bon c'est normal hein!
Voilà je croyais pas si bien dire, samedi matin flashé entre Romans et Valence sur l'autoroute par un radar-chantier, plus ou moins 90 ou 95 au lieu de 70, il y avait un panneau indicatif mais je pensais que ça indiquait l'autre radar, le fixe qui est en place depuis plus de 10 ans un peu plus loin. Enfin bon super week-end passé au rallye du Vaucluse... Mais 1ère fois que je me fais avoir par un radar automatique, ça me gave!
Pour ma part, cher Zoréol, j'ai aussi bien apprécié cette parenthèse "aviation"!
Il y a 7 heures, RP14 a dit :samedi matin flashé entre Romans et Valence sur l'autoroute par un radar-chantier, plus ou moins 90 ou 95 au lieu de 70, il y avait un panneau indicatif mais je pensais que ça indiquait l'autre radar, le fixe qui est en place depuis plus de 10 ans un peu plus loin. Enfin bon super week-end passé au rallye du Vaucluse... Mais 1ère fois que je me fais avoir par un radar automatique, ça me gave!
Moi c'est vers 14h45 au même endroit et dans la même fourchette de km/h... Le pire est que je l'ai vu avant "le dernier moment",mais pas freiné fort car j'avais une bagnole "au cul"..! Et pareil,dépucelage de radar automatique pour moi également...
La parenthèse "aviation" ne dépare pas ici,je pense..!
Merci PH
Après la parenthèse aéronautique, revenons au rallye avec cette très courte. Comme je l'ai dit plus haut, mon copipote Jean-Luc avait une confiance aveugle en mes facultés à rester sur la route (et il est vrai que je ne l'ai mis dehors qu'une fois pour le compte, et encore pas bien fort). Mais il y avait un et un seul virage qui lui filait les jetons sur toute la saison, précisément celui-là : le gauche qui jette à Saint Roman de Codières, dans "la vraie" Cadière d'antan, qui commençait justement au village de la Cadière et s'achevait 36 bornes plus loin à Lasalle.
Complètement irrationnel (mais qu'est-ce qui est rationnel dans notre passion ?), parce que rien que sur un Critérium des Cévennes il y a cent endroits bien plus dangereux. Mais chaque fois qu'on y passait en recos, j'avais droit à un "P...ain, celui-là, j'arrive pas à m'y faire !" En plus, à la sortie, il y a une surlargeur qui permettrait à la limite de faire un tête à queue sans rien toucher. Inutile de dire que j'en rajoutais une petite dose à chaque passage en course, ce qui aurait peut-être pu mal se finir si je n'avais pas arrêté de courir .
Si bien qu'un beau jour, j'entends cette note surréaliste dans ma phonie :
" D 120 long sur G 80 jette au col me fais pas peur s'il te plaît".